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Deux valent mieux qu’une ! Un entretien avec Petra van der Heide et Anneleen Schuitemaker, harpistes de l’orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam.

Depuis 1888, le magnifique Concertgebouw se dresse de toute sa splendeur sur le large boulevard du même nom. Son fronton néoclassique et ses deux imposantes tourelles sont l’un des symboles d’Amsterdam. La salle de concert, dont l’acoustique a la réputation d’être l’une des meilleures au monde, est depuis son origine l’écrin du mondialement célèbre orchestre du Concertgebouw.

Nos lecteurs noteront avec intérêt que cet orchestre possède la particularité de disposer de deux postes de harpistes à temps complet : Petra van der Heide, harpiste solo depuis 2003 (après avoir été harpe solo de l’Opéra de Darmstadt) et Anneleen Schuitemaker, nommée  la seconde/ assistante co-soliste en 2020 (après avoir été académiste dans plusieurs grands orchestres allemands).

Petra van der Heide aux récentes journées de la harpe Camac à Munich

Petra van der Heide aux récentes journées de la harpe Camac à Munich.

Le maintien de deux postes de harpistes titulaires est de plus en plus rare au sein des orchestres professionnels, ce que déplore vigoureusement Petra van der Heide. C’est à juste titre qu’elle est fière que ce soit toujours le cas au sein du Concertgebouw : 

« Atteindre et maintenir le plus haut niveau d’excellence dans un orchestre n’est possible qu’avec des collègues permanents. S’agissant des cordes, c’est absolument évident […] et pour les harpistes, je pense que c’est encore plus important. Je suis vraiment fière que nous ayons pu conserver le poste de deuxième harpe. »

En cette période difficile où le financement des arts et de la culture semble constamment menacé, ce ne sont pas seulement les postes de second ou de co-soliste qui sont remis en question, mais aussi les postes de harpe solo. Alors que des harpistes titulaires approchent de la retraite, certains orchestres envisagent ouvertement l’idée d’une nouvelle organisation dans laquelle des harpistes indépendants seraient engagés selon les besoins. Cette réalité est renforcée par le mythe selon lequel l’absence de harpiste permanent n’aurait pas vraiment de conséquence sur le profil de l’orchestre : « C’est désolant, mais cela se produit partout », constate Petra, d’un air triste, « et les directeurs des orchestres sont convaincus que cela n’a pas d’importance si c’est un harpiste ou un autre au pupitre. Les membres de l’orchestre s’en préoccupent. Ils souhaitent avoir un collègue titulaire. »

Anneleen Schuitemaker partage cet avis : « Je pense que c’est très agréable parce que vous connaissez le fonctionnement de vos collègues […] leur façon de jouer bien sûr, mais aussi tout le contexte qui va autour. Nous nous connaissons tellement bien que c’est facile et cela permet d’être plus efficace. »

Anneleen Schuitemaker avec sa harpe oriane au Concertgebouw

Anneleen Schuitemaker avec sa harpe oriane au Concertgebouw

Jouer dans un orchestre est soumis à une forte pression : travailler ensemble permet de ressentir l’énergie de sa collègue, et réaliser que chacun a sa propre façon, voire ses propres rituels, pour gérer cette pression. C’est un constat que l’on peut particulièrement appliquer à la question primordiale de l’accord de la harpe.

« En ce qui nous concerne, nous nous accordons en même temps » nous apprend Anneleen en souriant.

Petra explique : « J’ai vécu des situations qui n’étaient pas idéales. Quand tu vois des harpistes inquiets qui s’accordent sans fin parce qu’ils sont tellement nerveux, alors qu’il y a trois harpes à accorder pendant la pause. […] Lorsque que j’ai pris le poste de première harpe à Amsterdam, j’ai quasiment exigé que mes remplaçants s’accordent de la même façon que moi. Non pas pour moi, mais parce que je me soucie autant de leur accord que du mien.

La bonne nouvelle, c’est que tu peux tout de suite te rendre compte si vous vous entendez bien, parce que vous vous êtes accordés ensemble. »

La collègue parfaite ! 

Au sein de toute institution, la maxime qui dit que « deux valent mieux qu’une » est particulièrement adaptée lorsqu’il s’agit du bon fonctionnement d’un service, ce que Petra a appris par expérience après une période d’absence :

« Nous partageons les harpes, nous gérons ensemble les cordes et les visites des techniciens. C’est surtout dans les orchestres sans harpiste permanent […] que je vois des harpes en très mauvais état parce que personne ne s’en soucie. Lorsque j’ai dû m’absenter de l’orchestre pour une longue période et qu’il n’y avait personne [pour superviser ces questions], je faisais entièrement confiance à Anneleen. C’était formidable d’avoir une collègue fiable sur place, vraiment. »

Naturellement, les avantages d’avoir deux personnes permanentes et complémentaires ne sont pas seulement pratiques d’un point de vue logistique, mais aussi musical. Le travail de deuxième harpiste est quelque peu délicat, la conception musicale est parfois différente et le partage d’expérience ne peut qu’aider dans ce domaine. Anneleen explique : « Je reste très souple  […] Le principal critère reste l’écoute, bien sûr, et j’essaie de me caler sur ses mouvements autant que possible. Et aussi parfois, je fais un peu de ‘fading in’ [entrer progressivement dans la partie à jouer, pour contribuer à un bon résultat d’ensemble].

Il doit toujours rester à l’affût. Il ne faut pas toujours suivre, parfois il faut aussi mener, comme dans La Mer [Debussy], par exemple. Il y a des pièces où la deuxième harpe doit diriger. Donc, il ne s’agit pas de rester tranquillement à suivre, il faut aussi prendre des initiatives. »

A ce moment, Petra a du mal à contenir son enthousiasme : « Je pense qu’Anneleen est le parfait exemple d’une deuxième harpe, très coopérative et flexible. Mais elle a aussi les compétences nécessaires pour diriger. […] Je veux dire qu’elle est la collègue parfaite, vraiment. Écris ça ! »

 

Les quatre harpes du Concertgebouw (y compris deux harpes Camac) su scène pour Gurrelieder de Schoenberg

Les quatre harpes du Concertgebouw (y compris deux harpes Camac) su scène pour Gurrelieder de Schoenberg

Voici un exemple qui illustre leur satisfaction après une récente interprétation des Gurrelieder de Schoenberg, œuvre fondatrice (et redoutable pour les harpistes), avec ses quatre parties de harpe compliquées (nécessitant deux harpistes supplémentaires), et où certains passages sont plus exposés que d’autres :

« Les octaves ! » s’exclame Petra, faisant référence à une octave particulièrement exposée, à l’unisson et dans le registre grave à la fin de la première partie des Gurrelieder.

« Quatre harpes en même temps, absolument seules, personne d’autre ne jouant. C’était effrayant. Chaque fois que je jouais, j’espérais juste que tout le monde suivrait, et nous l’avons fait presque à chaque fois, exactement au même endroit. Il faut dire que nous avions un super chef d’orchestre, il était très clair, Riccardo Chailly. Alors oui, c’était génial. »

Petra et Anneleen attribuent également le succès de cette performance aux harpistes supplémentaires qui ont constitué la section.

Je me suis posé la question de l’influence du fait que ces deux harpistes soient de la même nationalité et, pour ainsi dire, de la même école :

« Eh bien, je suis d’accord avec ce que vous dites à propos de l’école de harpe néerlandaise. » Petra s’interroge : « Celle-ci remonte, bien sûr, à une grande tradition fondée par Rosa Spier et perpétuée par Phia Berghout, puis Edward Witsenburg et enfin, bien sûr, Erika Waardenburg […] Mais je ne crois pas vraiment que cela tienne à une école ou à une autre, car il y a de grands interprètes dans toutes les écoles. »

Les bons outils…

Petra et Anneleen essaient des harpes au salon de Camac Harpen Nederland

Petra et Anneleen essaient des harpes au salon de Camac Harpen Nederland

À ce stade, il serait hypocrite de ne pas mentionner avec une immense fierté que le Concertgebouw vient d’acquérir une magnifique deuxième harpe dorée Oriane, pour compléter leur parc de harpes.

« J’avais déjà une harpe Camac à l’orchestre depuis 2008, sur laquelle j’ai joué toutes les cadences solo possibles. Parce que c’est pour moi une façon plus confortable de jouer. »

Anneleen ajoute : 

« Ce qui est intéressant, c’est que d’un point de vue sonorité, les harpes Horngacher et la Camac vont très bien ensemble. »  [le Concertgebouw possède maintenant deux harpes de chaque].

« C’est tout à fait vrai ! » convient Petra, tout en précisant :

« Les différences entre les harpistes sont tellement plus importantes que les différences entre les marques de harpes. Si l’une souhaite jouer une Horngacher et l’autre une Camac, ensemble nous parviendrons toujours à obtenir un son homogène. »

En fin de compte, pour chacune d’elles, l’instrument idéal est d’abord une question de passion. Les musiciens de haut niveau sont en constante évolution : ils cherchent, apprennent et élèvent en permanence leur niveau de jeu. « J’aime la harpe Camac, parce qu’elle m’apporte une façon naturelle de jouer. Elle est adaptée à ma morphologie et me correspond. [mais] au niveau de la sonorité, ce n’est jamais tout noir ou tout blanc ; c’est un processus très souple. Je veux juste dire que c’est une évolution permanente. Oui, continue, mais d’une manière naturelle, la Camac me convient. »

Petra van der Heide avec deux belles harpes Elysée

Petra van der Heide avec deux belles harpes Elysée

Petra possède une harpe Camac à titre privé depuis 1998, et a récemment ajouté à sa propre collection de harpes une somptueuse Élysée : « Au moment où Anneleen a trouvé son Oriane [pour l’orchestre], j’ai trouvé l’année dernière l’Élysée que je désirais. »

C’est l’histoire classique de la harpiste qui se retrouve à essayer une nouvelle harpe sans vraiment s’en rendre compte… jusqu’à ce qu’il soit trop tard !  « Je n’étais pas du tout à la recherche d’une harpe. C’était juste une telle coïncidence que Camac soit à Munich justement quand j’y étais aussi […] Et il s’est passé quelque chose du genre : oh mon Dieu, il me faut cette harpe ! »

Anneleen avec deux harpes oriane pendant la visite de notre technicien Guillaume Tijou.

Anneleen avec deux harpes oriane pendant la visite de notre technicien Guillaume Tijou.

Toutes deux s’accordent à dire que l’investissement de Camac dans le service aux clients est un facteur important dans la réussite de notre relation avec les artistes : 

« Le suivi technique proposé par Camac est incroyable. Je le dis à tout le monde. »

Nos techniciens, formés dans nos ateliers, parcourent le monde pour s’assurer que nos clients obtiennent le meilleur de leurs harpes. Nous étions récemment à Amsterdam pour entretenir les harpes Camac du Concertgebouw. Après avoir toutes deux loué les qualités de notre technicien Guillaume Tijou, elles précisent : « [Camac] est le seul et unique facteur qui est vraiment à l’écoute de ses clients. Et c’est tellement important, car nous sommes les utilisateurs de vos produits. Et ça fait vraiment la différence ».

L’écoute

A l’intention de nos lecteurs qui aspirent à une carrière d’orchestre, que recherchent les harpistes d’orchestre de haut niveau ?

« C’est la façon expressive et logique de jouer qui rend l’écoute de l’instrument intéressante. L’importance d’interpréter des styles différents. […] Je pense qu’en tant que musicien d’orchestre, j’ai peut-être d’autres valeurs que les solistes, parce que nous jouons les plus grands compositeurs comme Stravinsky, Mahler et Bartok, et bien sûr Debussy et Ravel. La plupart d’entre eux n’ont pas écrit pour une harpe solo. Ce qui me manque beaucoup, c’est que les harpistes oublient de respirer. (…) Il me manque surtout le sens du phrasé : commencer une phrase, finir une phrase, le faire de façon naturelle, comme si tu respirais comme les vents, ou comme les cordes avec leur archet. »

Harpes dorées au salon de Camac Harpen Nederland

Harpes dorées au salon de Camac Harpen Nederland

Pour Anneleen, c’est une question d’influence : 

« Je suis d’accord avec ce que dit Petra, parce que je pense que beaucoup de harpistes pensent verticalement [c’est-à-dire de manière harmonique plutôt que mélodique] alors je leur conseille: s’il te plaît, joue pour les autres. Joue pour d’autres instrumentistes. C’est en préparant l’audition pour le Concertgebouw que j’ai le plus appris ; j’ai joué pour d’autres instrumentistes. Et j’ai tellement appris sur la respiration, sur la direction, sur l’équilibre, et aussi sur le répertoire. »

 

En résumé, à l’écoute de ces grandes harpistes, on peut faire le parallèle entre le travail du facteur de harpe et celui de harpiste : nos deux rôles consistent à écouter et à répondre ; chacun apprend l’un de l’autre, afin d’atteindre le but le plus élevé possible grâce à un processus d’expérience riche et partagée. Merci à Petra, Anneleen et à l’Orchestre du Concertgebouw d’avoir choisi Camac et, pour reprendre les mots d’Anneleen, puissions-nous continuer à trouver ensemble la direction, l’équilibre et les répertoires idéaux.

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